3 idées reçues sur la réforme des retraites
Hello les amis,
J’espère que votre semaine fut riche en cotisations retraite et autres prélèvements obligatoires.
Avant de commencer, je vous invite à suivre notre compte Instagram DePandoraBox, ma fiancée y publie régulièrement des oeuvres d’art qu’elle génère via intelligence artificielle et représentant de célèbres “Fake News”. En-dessous de chaque image vous trouverez une synthèse des faits et arguments nécessaires pour clouer le bec à votre voisin conspirationniste 😉
Unboxing de la semaine : La réforme des retraites
C’est LE sujet du moment qui ne nécessite pas d’introduction. Et avec l’0verdose médiatique sur le sujet, il me paraissait pertinent de déconstruire quelques idées reçues sur le sujet afin que nous nous concentrions sur les vrais enjeux d’une réforme.
Rapide rappel des règles du jeu :
Je ne suis qu’un simple vulgarisateur dont l’objectif est de montrer que le problème est plus compliqué qu’on ne le croit
Comprendre qu’on ne maîtrise pas à 100% un sujet est un premier pas de géant pour éviter de menacer la famille de votre interlocuteur qui a l’audace de ne pas penser comme vous
Idée reçue n°1 : Repousser l’âge de la retraite favorise l’emploi des seniors - 🟠 IMPRÉCIS
On est face à un cas classique de “confusio statista” (une maladie que je viens d’inventer qui s’observe chez les personnes qui choisissent de mettre en avant uniquement les statistiques qui les arrangent - l’épidémie bat son plein depuis quelques années).
Pendant que l’âge moyen de départ à la retraite reculait, le taux d’emploi des 55-64 ans n’a cessé de grimper depuis près de vingt ans, passant de 38 % début 2003 à 56,1 % fin 2021. C’est mécanique, si on vous encourage à partir plus tard à la retraite (allongement des cotisations, recul de l’âge taux plein, bonus/malus, etc.), vous allez… partir plus tard à la retraite. Jusqu’ici tout va bien, le gouvernement peut en effet espérer une augmentation du taux d’emploi avec cette réforme (à l’image de nos voisins européens).
En revanche, sur la même période, le taux de chômage des plus de 55 ans a grimpé de 4,1 % à 6 % (sans parler des très nombreux inactifs qui sont sortis des statistiques du chômage). Alors que tous âges confondus, ce même taux de chômage est descendu de 8,4 % à 7,4 %.
Donc oui les seniors travaillent plus longtemps, mais à quel prix ? Fin de carrière chaotique, incapacité, âgisme en entreprise, chômage de longue durée… Le chômage des seniors va coûter cher. Emmanuel Macron lui-même dans une déclaration vidéo de 2019 trouvait qu’un report de l’âge de départ à la retraite était “hypocrite” tant qu’on avait pas réglé le problème du chômage des seniors (et ce n’est pas l’index Senior qui va changer la donne, à l’instar de l’index égalité homme-femme au bilan peu glorieux).
Idée reçue n°2 : On vit plus longtemps, donc il faut travailler plus longtemps - ❌ FAUX
C’est un raisonnement logique en apparence mais qui inclut déjà une prise de position politique. Il s’agit d’un slogan avant toute chose :
[On vit plus longtemps] est un postulat de départ, mais il y en a de nombreux autres (déclin de la fécondité, engagements budgétaires, incertitudes sur l’avenir du travail)
[Donc il faut travailler plus longtemps] est une prescription qui offre déjà une solution unique là où, encore une fois, il y en a de nombreuses autres
Voici d’autres slogans qui n’ont pas été retenus et qui pourtant me paraissent des enjeux essentiels à l’avenir de notre système de retraite ;
On fait de moins en moins d’enfants, donc il faut complètement réinventer le système de solidarité intergénérationnel (cf. notre solde naturel en chute libre)
On a pas assez d’actifs pour le nombre d’inactifs en France, donc il faut ouvrir les frontières pour favoriser l’immigration
Les caisses de retraites sont en déficit, donc il faut supprimer les régimes de retraites spéciaux qu’on ne peut plus s’offrir
Face aux profondes mutations à venir de notre système économique, il faut inciter les Français qui le peuvent dès maintenant à opter pour la retraite par capitalisation
On doit se serrer la ceinture donc il faut plafonner les pensions de retraite des plus aisés pour garantir un minimum vieillesse aux plus défavorisés
On atteindra pas nos engagements budgétaires vis-à-vis de l’europe, donc il faut augmenter les cotisations retraite
Aucun de ces raisonnements en apparence “logique” n’est innocent, ils impliquent tous une prise de position politique avec un postulat de départ qui est choisi, et une prescription qui est une solution dogmatique avec de très nombreuses ramifications.
Le gouvernement nous dit que travailler plus longtemps est la solution la plus efficace. Les citoyens sont-ils censés les croire sur parole ? A-t-on fait l’exercice de simuler l’ensemble de ces mesures ? Je ne pense pas, et c’est regrettable car sans des données faciles à visualiser pour les citoyens, nous sommes réduits à un débat idéologique qui sera par nature infertile.
Idée reçue n°3 : Le recul de l’âge de départ va surtout affecter les populations les plus modestes - ❌ FAUX
Quand j’étais consultant, j’ai fait des missions pour plusieurs caisses de retraites complémentaires (dont l’Agirc-Arrco). Et je peux vous dire une chose : c’est le BAZAR ! Celui ou celle qui prétend comprendre l’impact de la réforme sur les Français est un menteur (ou une intelligence artificielle pour qui je voterai aux prochaines élections).
Chaque carrière est unique dans sa complexité (durée de cotisations, trous de carrières, mobilité internationale, cumul des régimes, exemptions spécifiques…), chaque régime a ses propres exceptions, et on a accumulé au cours du temps un mille-feuille de règles spécifiques, de mesures d’incitations bonus/malus, de modalités particulières au fil des amendements…
D’après les estimations (imparfaites) de l’IPP, voici la conclusion :
À ce stade, il semble donc qu’on puisse affirmer que l’âge de départ à la retraite ne sera pas modifié pour une partie importante des assurés les plus modestes dans le cadre du projet de réforme, soit parce que ces assurés conserveront la possibilité de partir à la retraite à 62 ans au titre de l’inaptitude et de l’invalidité, soit parce qu’ils devaient déjà, de toute façon, attendre 67 ans pour partir au taux plein.
Ce sont davantage les catégories intermédiaires dans l’échelle des revenus, y compris celles qui se situent dans la moitié supérieure de cette échelle, qui sont susceptibles d’être les plus touchées par la réforme à venir. C’est donc aussi davantage en ce qui concerne les inégalités entre ces catégories intermédiaires et les classes plus aisées que les discussions sur le caractère antiredistributif ou non de la réforme pourraient se concentrer.
En gros, c’est la classe moyenne qui va payer, rien de nouveau sous le soleil ☀️
Alors, de quoi débat-on ?
Mon postulat est souvent le suivant : essayer de colmater un système qui a été pensé à une époque révolue et selon des paramètres qui ont été complètement bouleversés (natalité, productivité, immigration, etc.) c’est comme attraper un couteau qui tombe. C’est faisable, mais ça va faire mal et il va falloir un jour ou l’autre soigner la plaie.
Quel que soit l’issu du débat démocratique, si celui-ci se concentre sur des détails techniques liés au financement (à une époque où on a fait tourner à plein régime la planche à billet pendant plus d’un an afin de protéger les plus faibles du Coronavirus), alors on se retrouvera avec une réforme incrémentale qui ne servira pas à grand chose.
J’aurais plutôt aimé avoir un débat sur le sens du travail (un “inactif” est loin d’être inutile à la société : garde d’enfant, tissu associatif, élus locaux, artisanat, etc.) et sur la notion de solidarité inter-générationnelle - dans un contexte où l’allongement de la durée de travail ne va pas dans le sens de l’histoire (semaine de 4 jours, bouleversements à venir liés à l’intelligence artificielle, etc.) et où les expérimentations sur le revenu universel se font de plus en plus nombreuses.
Voilà, j’espère que vous y voyez un peu plus clair sur les enjeux (et l’étendue) de cette réforme.
Surtout continuez à m’envoyer vos retours en répondant à cet email, et, ensemble, nous arriverons peut-être à imaginer une meilleure manière de s’informer 🤗
Bisous,
Terence.
La pépite de la semaine (bonus)
Les scientifiques peuvent à présent voir à travers les murs, juste grâce aux ondes Wifi qui rebondissent sur votre corps.
Cette méthode n’a aucun angle mort et respecte plus la vie privée que des systèmes de surveillances intrusifs comme les caméras. C’est paradoxal, mais pensez par exemple aux dispositifs de surveillance anti-chute pour les personnes âgées à la maison (ou au bureau, en fonction de la réforme 😅).
PS : N’hésitez pas à partager cette newsletter à vos amis qui veulent prendre leur retraite à 50 ans ⬇️